Yellowstone

États-Unissamedi 15 juin 2013

Nous entrons dans Yellowstone par l'entrée Sud, accolée directement à Grand Teton National Park. Aussitôt, les bosquets et les prairies laissent place à une forêt de pins extrêmement dense, qui semble s'étendre infiniment. À gauche et à droite de la route se trouvent de véritables murs d'arbres impénétrables.

Cette arrivée nous met tout de suite dans l'ambiance : une immense forêt, des gens qui s'arrêtent au bord de la route pour voir des wapitis, des pans entiers de montagne brûlés, un gigantesque lac bordé de hautes montagnes enneigées, une large rivière qui déferle sauvagement, des troupeaux de bisons, des vapeurs émanant de sources d'eau chaude, des odeurs bizarres de souffre. Le message est plutôt clair : ici, c'est la nature qui commande. Nous, nous ne sommes que des invités de passage. Et juste pour faire passer le message encore mieux, à mesure que nous roulons, le vent se lève, les nuages gris arrivent, et la neige commence à tomber. En quelques minutes, la température passe sous les 0°c et les flocons se muent en blizzard. Welcome to Yellowstone !

Heureusement, le temps se calme vite et nous permet d'arriver sans encombre à Canyon Village, où nous dormons. Belle entrée en matière ! Nous passons faire un tour au Visitor Center, pour en savoir plus sur la météo des jours à venir et les activités à faire. Le temps s'annonce heureusement moins capricieux.

Après le repas, nous assistons à une présentation sur les animaux du parc. La conférence est intéressante et le ranger un brin sarcastique. Il nous fait répéter trois fois "eau chaude brûle" et "animal sauvage attaque". Selon lui, c'est une méthode d'apprentissage des consignes de sécurité spécialement adaptée aux touristes munis d'appareils photos. Pour la découverte des animaux et l'application des consignes, ça sera demain, il est l'heure d'aller se coucher.

7h. Nous nous levons rapidement pour aller voir les animaux au petit matin, et... le parc est couvert de brouillard. C'est si dense qu'on pourrait presque le toucher. Nous dégivrons la voiture et partons quand même. Et dire qu'il faisait 40°C à Arches, il y a 3 jours !

Tant pis pour les animaux, nous filons directement au Geyser Basin, au Sud-Ouest du parc. Yellowstone est immense, et il faut compter une centaine de kilomètres pour s'y rendre, soit 1h30 sans arrêt.

En fait, le parc abrite l'un des plus grands volcans en activité du monde. Le magma, qui se situe en moyenne à 40km sous la surface terrestre, remonte ici jusqu'à 2km ! L'eau de la fonte des neiges s'infiltre dans le sol et se transforme en vapeur. Un système complexe de failles la fait remonter à la surface sous forme de fumerolles, sources chaudes, ou bien geysers. De nombreux tremblements de terre (environ 108 par an) modifient cet équilibre précaire, transformant le paysage régulièrement.

Yellowstone abrite tout simplement la plus grande zone thermale de la planète, avec plus de 2000 geysers et sources chaudes répertoriés. La plupart d'entre eux ont un nom, et quelques uns sont prévisibles. Le Visitor Center affiche les horaires probables de la prochaine éruption, basés sur l'expérience des Rangers. Par exemple, Old Faithful, le plus célèbre d'entre tous, crache son jet d'eau durant 4 minutes, toutes les 90 minutes. Mais si l'éruption ne dure que 2 minutes, la prochaine se produira 1h après. Simple, non ?

D'autres geysers, comme Beehive, sont imprévisibles. Celui-ci s'active une ou deux fois par jour. Seul indice avant le réveil : 10 minutes avant l'éruption, un petit geyser se met en marche à proximité. C'est l'un des plus impressionnants du parc, et la seule solution pour ne pas le louper, c'est de camper devant. C'est ce que faisaient un groupe de "chasseurs de geysers" depuis 6h du matin. Heureusement pour nous, ils avaient des talkies et ont prévenu les Rangers que l'éruption était imminente. Nous, nous n'avons eu qu'à attendre une dizaine de minutes pour profiter du spectacle.

Le geyser commence par un timide jet d'eau, digne d'une grosse fontaine, ne dépassant pas 1 ou 2 mètres de haut. mais il gagne vite en intensité et s'élève au final à 20-30m, dans un bruit de moteur de jet ski. Puis au bout de quelques minutes, il décroît pour finir par se stopper complètement. Tout cela à moins de 5 mètres de nous. Il vaut mieux ne pas être dans le sens du vent !

Nous voici donc, à nous promener au milieu des geysers. Des passerelles en bois permettent de marcher au dessus du sol parfois fragile et sous lequel circule l'eau brûlante. Nous suivons une visite guidée menée par un Ranger qui nous présente les différentes formations. Ça fume, ça bouillonne, ça fait des bruits de cocotte minute. De la vapeur sort par tous les orifices du sol. On a vraiment l'impression de marcher sur le couvercle percé d'une casserole d'eau bouillante.

Les sources d'eau chaude remontent à la surface et débordent, créant une sorte de piscine à bulles. Le centre de la piscine est souvent bleu turquoise, et des micro-organismes se déposent sur les bords, donnant des couleurs différentes selon la température : blanc, vert, jaune, orange, puis brun. Certaines sources produisent un arc en ciel parfait, d'autres un jaune vif ou des tons marrons-orange.

Parmi ces sources, la plus connue et la plus grande est Grand Prismatic, qui forme un véritable lac multicolore de 50m de long. On peut s'avancer au bord, mais elle produit tellement de vapeur qu'on ne la voit pas vraiment. Il faudra attendre le lendemain pour que nous trouvions le chemin non-officiel qui permet de la voir de dessus. Pour cela, il faudra passer par un véritable jeu de piste, en commençant par trouver un sentier non indiqué, puis en gravissant une pente très raide jonchée de troncs morts. Mais le jeu en vaut la chandelle. Yann Arthus-Bertrand n'a qu'à bien se tenir !

Mais il n'y a pas que des geysers à Yellowstone. On y trouve de nombreux animaux, plus ou moins impressionnants, plus ou moins rares, et plus ou moins dangereux. Les plus courants sont les bisons et les wapitis. Les femelles restent en troupeau et veillent sur leurs petits nés il y a peu de temps, tandis que les mâles sont plutôt d'un naturel solitaire. Pour trouver un de ces animaux, c'est facile : ils créent généralement un bouchon de voitures qui s'arrêtent pour les photographier, quand ce n'est pas l'intégralité du troupeau qui se balade tranquillement au milieu de la route. Les autres animaux sont plus difficiles à apercevoir : ours, castors, caribous et loups ne se sont pas montrés.

Le quart Sud-Est du parc est dominé par le lac Yellowstone, le plus grand lac d'altitude du pays. Il offre de belles vues sur les montagnes environnantes, et nous avons pu en profiter davantage en effectuant une visite guidée en bateau. Pour l'anecdote, durant l'hiver une grande partie du lac gèle. Une année, un bison aventurier est resté coincé tout seul sur une île lors du dégel. Il a du s'y plaire finalement, car il n'a pas profité de l'hiver suivant pour en repartir !

Il y a encore d'autres merveilles cachées un peu partout (enfin, jadis, c'était caché. Maintenant, il y a un parking, des sentiers balisés et des panneaux explicatifs). Une autre région du parc, Mammoth Hot Springs, renferme de sources qui créent des dépôts de calcaire, formant des escaliers et des terrasses, comme une rizière en pierre. On retrouve également les couleurs dues au bactéries, même si de nombreuses sources étaient à sec à cette période de l'année.

Autre part, on trouve des "trous de boue" où l'acide présent dans les sources chaudes attaque la terre. Cela forme des piscines de boue, d'où remontent de grosses bulles de vapeur qui explosent lentement. On dirait une marmite de potion magique dans les dessins animés. C'est assez drôle à voir, mais c'est moins drôle à sentir, notamment les plus acides qui sentent franchement l’œuf pourri. De plus, certaines d'entre elles sont aussi corrosives que de l'acide de batterie. Mieux vaut ne pas tenter d'y mettre le doigt !

Enfin, n'oublions pas le Yellowstone Canyon, sa rivière encaissée et ses belles cascades. Superbe !

Tout cela nous donne l'envie d'en voir encore plus ! Mais, entre les distances énormes, l'altitude qui fatigue vite, et la présence importante d'ours dans le coin, nous n'avons pas pu nous enfoncer dans la forêt et nous éloigner un peu plus de la route. Ce sera pour une prochaine fois, et peut-être même en hiver !

Côté nourriture, nous avons testé le meilleur en séjournant et en mangeant un soir à l'hôtel du lac, où nous avons pu goûter à la truite du Montana, au bison, et à un fondant au chocolat. Après 2 mois de voyage, c'est le luxe ultime ! (et nous avons aussi testé le pire en testant le Burger Barbecue Chicken à la cafétéria mais ça on va essayer de l'oublier!)

Vous l'aurez compris, nous avons adoré Yellowstone. En même temps, avec une telle diversité de paysages et d'animaux, le contraire aurait été difficile ! Mais surtout, c'est cette nature, tantôt imposante et sauvage, tantôt calme et délicate, qui nous a fait aimer le lieu. Même au plus profond de la Death Valley ou sous les séquoias de Yosemite, nous n'avions eu le même sentiment d'être si petits. C'est vraiment une expérience à vivre.

À bientôt Yellowstone !